Gimh [BG]

Voilà plusieurs jours déjà que le bateau sillonnait le fleuve Styx à la poursuite de nos ennemis. La proximité des frontières de la Stygia rendait l’équipage nerveux. Parmi les marins il existait un nombre incalculables de mythes et de légendes concernant la Stygia et ses prêtres de Set déments, capables de toutes les tortures possibles.

Certaines nuits, alors qu’un calme presque surnaturel régnait autour du navire, des cris d’horreur et d’agonie se faisaient entendre dans le lointain. Le capitaine avait triplé les tours de garde, et chaque nuit, trois membres de l’équipage restaient éveillés pour surveiller les rives de ce fleuve maudit.

Cette nuit là, c’était mon tour de garde, mon rôle était des plus simple, muni d’une torche, je devais surveiller le coté bâbord du navire, au moindre mouvement suspect sur la rive, je devais immédiatement en avertir les autres, si la menace était réelle, nous devions sonner l’alerte sans hésitation. Les hommes dormaient tous prêt de leurs armes et étaient entrainés au combat. Ils seraient près en quelques instants.

Alors que nous abordions un coude du fleuve, une lueur de plus en plus intense apparut à l’horizon. Nous comprimes au bout de quelques minutes, qu’il s’agissait d’un incendie. Les quelques arbres qui bordaient le Styx étaient pris dans un immense brasier. Mais de là où nous étions il nous était impossible d’en savoir plus.

Alors que nous passions au plus prêt de l’incendie il me sembla distinguer deux silhouettes humaines dans les flammes, mais l’image fut si fugace que je préférai ne pas en parler. Et tandis que nous nous éloignons doucement des flammes, l’enfer s’abattit soudainement sur nous. Les voiles du navire s’embrasèrent sans raisons apparentes, puis quelque secondes plus tard une boule de feu vint heurter la poupe. Tandis que les hommes se précipitaient pour éteindre les flammes, l’eau autour du bateau se mit à remuer de plus en plus fort, et bientôt des formes monstrueuses vaguement humaines apparurent à la surface de l’eau. Leurs mains décharnées s’agrippèrent à la coque et lentement ils montèrent à bord pour se jeter tel des démons sur les premiers marins.

A peine quelques monstres étaient à bord que déjà une panique sans pareille régnait sur le pont. Les hommes pris d’une irrésistible folie courraient en hurlant dans tout les sens, certains tentaient vainement de se battre, mais les créatures semblaient immortelles. Non loin de moi, je vis un homme trancher net le bras d’un de ses démons sans que celui-ci n’esquisse le moindre mouvement, il continua simplement a avancer vers sa victime, ignorant totalement sa blessure.

Dans tout ce chaos, une vive lumière attira mon regard sur la rive, non loin du brasier je distinguais à nouveau une silhouette, mais cette fois-ci elle fut bien plus nette, c’était celle d’un homme. Un homme étrangement habillé, il agitait ses bras étrangement. Ce n’est que lorsque je vis jaillir de ses doit des flammes que je compris qu’il s’agissait de notre assaillant. Les légendes sur la Stygia n’étaient après tout pas si fausses que ça. Le dernier sort du sorcier vint percuter une fois de plus la coque du navire, le bois craqua violement, et le mat céda, dévoré par les flammes il s’effondra sur le pont, écrasant sous son poids autant de marins que de créatures.

Je fus projeté à l’eau par la violence du choc et c’est sans nuls doutes ce qui me sauva la vie, car peu de temps après que j’ai atteint la terre, le navire explosa. Les flammes avaient certainement atteint les barils de poudre à canon. J’eu beau chercher pendant plusieurs heures des rescapés, je ne trouvais que des corps inertes, même les créatures qui nous avaient attaqués étaient maintenant sans vie.

Muni d’un gros gourdin qui avait échappé à l’explosion je décidais donc de m’aventurer en terres inconnues, ma première destination serait le lieu de l’incendie, là où j’avais aperçu le sorcier. Mon but n’était pas de le retrouver, mieux valait rester loin d’un homme aussi dangereux. Mais s’il se trouvait là c’est sans doutes que la civilisation n’était pas très loin. Lorsque j’arrivais sur les lieux de l’incendie, il ne restait plus grand-chose, comme je l’espérais l’homme n’était plus là. Malheureusement pour moi je n’aperçu rien qui puisse m’indiquer la direction qu’il avait prise.

Explorant prudemment les lieux, mes yeux s’attardèrent un moment sur une forme étrange étendu sur le sol. Poussé par ma curiosité et me souvenant soudain que j’avais aperçu deux silhouette la première fois, je m’approchais de la forme. Comme je l’avais pressenti il s’agissait d’un corps humain, une femme, sans doute une victime de plus du sorcier. J’allais me détourner d’elle pensant qu’elle était morte, lorsque sa main bougea doucement, ses lèvres se mirent à remuer mais aucuns sons n’en sorti.

J’aurai pu la laisser là, mais un vieil ami, un prêtre de Mitra m’avait un jour secouru lorsque j’avais moi-même était laissé pour mort sur un champ de bataille, il y avait de cela de nombreuses années. C’est en la mémoire de cet ami, et sans doute aussi grâce à son enseignement que je décidais d’aider cette inconnue.

M’approchant un peu plus d’elle je constatais de nombreuses brulures partout sur son corps. A première vue on aurait pu croire que ces brulures venaient de l’incendie et qu’elle avait été piégée par les flammes. Mais les brulures étaient différentes, trop régulières et surtout trop bien placées pour n’être qu’un phénomène naturel. Je compris vite que ce qui avait provoqué ces blessures devait être la magie du sorcier qui avait coulé mon navire. Me baissant près d’elle je vis pour la première fois distinctement son visage. Ce n’était qu’une jeune fille, entrant tout juste dans l’âge adulte. Sa peau noire et le tatouage rituel qu’affichait son visage ne laissait aucun doutes quand à ses origines. C’était une Stygienne. Je pu lire dans ses sombres yeux noirs toute la détresse de sa situation, elle sentait sa vie l’abandonner et était impuissante, incapable de faire le moindre mouvement. « N’ai plus peur, lui dis-je, je vais te soigner. » Après ces quelques mots je la pris dans mes bras et l’emmener loin de ce lieu de mort. Elle s’endormi d’épuisement.

Lorsqu’elle reprit conscience, deux jours étaient passés. J’avais pu trouver un abri, apparemment une ancienne habitation qui avait depuis longtemps était abandonnée. Après quelques effort j’étais parvenu à lui faire une couche confortable dans laquelle je l’avais laissé se reposer après lui avoir prodigué les quelques « remèdes » qu’Holdan m’avais enseigné.
- Enfin tu te réveilles. Je n’étais pas sûr que mes soins soient efficaces. Tu étais vraiment mal en point.
- Qui … ? Elle jetait autour d’elle des regards apeuré et interrogateurs. Elle semblait totalement désorientée.
- Mon nom est Gimh, je suis Cimmérien, j’étais à bord d’un navire qui a été attaqué. Après mon naufrage je t’ai trouvé presque morte sur les bords du fleuve. Je pense que tu as été la victime du même agresseur que celui de mon navire.
- …
- Et bien on ne peut pas dire que tu sois très bavarde. Ce n’est rien, rassure-toi je ne te veux aucun mal. Peut être as-tu faim ? J’ai réussi à pêcher quelques poissons dans le Styx.

Elle ne prononça pas un mot de toute la journée, mais au moins avait-elle retrouvé l’appétit. Le soir venu elle sombra à nouveau dans le sommeil tandis que je quittais notre abri pour explorer les alentours à la recherche d’une éventuelle trace de vie humaine. Après quelques heures à errer en vain, j’entendis des cris de terreurs en provenance de notre abri. Je me précipitais l’arme à la main, je pensais être préparé à tout, mais le spectacle qui se déroula sous mes yeux, me laissa comme paralysé.

La jeune fille semblait encore endormie et prise dans la toile d’un horrible cauchemar. Ses bras était levés devant elle, et son corps était parcouru de spasme. Elle hurlait des mots dans une langue qui m’était totalement inconnu. Mais le plus étrange de tout était cette aura noire qui se dégageait de ses mains et de tout son corps et qui l’entourait totalement. L’aura se développait de plus en plus, le bois qui était en contact avec cette force étrange se mis soudain à pourrir. Je reculais instinctivement, sentant qu’il ne valait mieux pas que l’aura noire me touche. Dans un dernier hurlement les yeux de la jeune fille s’ouvrirent et l’aura explosa pulvérisant totalement le toit de la cabane. Une fois les débris retombé je la vis toujours allongé les yeux grands ouverts et rempli de terreur, elle était essoufflée comme après avoir couru des kilomètres. Il lui fallut plusieurs minutes avant de reprendre ses esprits. Puis elle se tourna vers moi. « Aide-moi ! Je ne me rappelle plus. Je ne sais plus qui je suis … ». Je la fixais un long moment dans les yeux avant de répondre. Son regard exprimait totalement son désarroi. « Je t’aiderai. ».

Bien que la cabane dans laquelle nous avions trouvé refuge fût partiellement détruite lors de cette nuit, nous y restâmes encore quelques jours afin qu’elle reprenne des forces. Mes explorations de m’avaient pas permis de découvrir un signe de civilisation et la route serait surement longue avant que nous atteignons une ville ou un village. De plus je n’étais pas sûr de l’accueil que je recevrai de la part des Stygiens. Il nous fallait donc toutes nos forces avant d’entamer le voyage. Nous décidâmes de partir un matin, et de langer la rive du Styx vers l’est jusqu’à trouver un village.
- Gimh ?
- Qu’y-a-t-il ?
- Et bien, je me disais, peut être serait-il temps que je me choisisse un nouveau nom. Même si je n’arrive pas à me souvenir de mon ancienne vie, il faut au moins que l’on puisse me nommer.
- Evidement, ce sera bien plus simple ainsi, en as-tu choisi un ?
- Tu te souviens cette nuit où j’ai détruit la cabane ? Dans mon cauchemar j’entendais des voix, elles ne cessaient de répéter un même nom : « Elossa ». C’est le nom que je choisi aujourd’hui.
- Alors Elossa mettons-nous en route, plus vite nous trouverons un village plus vite nous pourrons quitter ces terres maudites.